Jean-François Vautrin à écrit…

Des voitures comme des paquebots.

1960. De nombreuses bases et dépôts américains
ceinturent Nancy, c’est la guerre froide…
A leur proximité, portes contre portes,
de Belles Américaines croupissent dans de grands cimetières.
– Regarde, elles sont comme neuves – disait mon père
Des mots étranges ponctuent le périmètre grillagé :
«Tire, used cars… ».
Ces noms me faisaient rêver. Tout comme le bouquet apposé à Noël
sur la porte des maisons voisines louées à des familles américaines
« Merry Christmas ». Je ne savais pas ce que cela voulait dire,
mais cela venait d’Amérique donc du futur…

Un futur où les voitures étaient longues comme des paquebots,
couleur chocolat, fraises écrasées ou vert pistache.
Un futur où les petits enfants jouaient avec d’étranges chariots
rouges et blancs.
Un futur où d’énormes bus jaunes aux phares perpétuellement allumés
ramassaient tous les jours les petits écoliers américains
à des arrêts spéciaux marqués «Stop, School-bus ».
Un futur où les chauffeurs de ces bus étaient noirs
Avec des dents blanches :
– Maman, regarde le monsieur, il est noir !…
– Jean-François, on ne montre pas du doigt !
Un futur, où lors des «portes ouvertes »
sur les bases aériennes américaines autour de Nancy,
nous pouvions admirer de grands gaillards en kaki et casquettes,
ingurgiter de la bière ou du Coca-Cola en boîte :
– En boîte ! disait mon père, ça doit sentir le fer !

L’Amérique… un monde différent où tout est plus grand, plus coloré,
sans complexe, extraordinaire… un pays de cocagne.
Il faudra que j’aille voir…un jour… Mais le pourrais-je ?
Moi, petit nancéien ordinaire, résidant dans une rue ordinaire,
issu d’une famille ordinaire, étudiant dans un collège ordinaire,
osant imaginer une seule minute dans ses rêves les plus fous,
la possibilité de voyager aux USA !
Eh bien, cela est arrivé !

Jean-François Vautrin

Jacques Henry a écrit…

USA, ton histoire fout le camp.

Ils se sont mis en marche. Ils s’en vont. Ils partent tous.
Là vers ou ils vont n’a pas d’adresse, ou plus de limite :
une voie couleur bubble-gum vitaminé, constellée de motels,
ouvertes sur la perspective granitique des caniveaux,
vers un désert aseptisé et balisé de poubelles ciselées comme des limonaires.
Ils désertent comme des héros de bande dessinées rescapés de leur histoire, clônes aimantés sur le point de fuite du paysage.
USA, ton histoire fou le camp…
L’apocalypse s’est produite avec la discrétion sereine d’un tsunami en haute mer : l’Amérique vient de sortir de son histoire.
Ce ressac imperceptible a versé une larme de Pacifique dans le whisky de Vautrin.
C’est à ce moment précis que l’histoire recommence, car à l’habitude,Vautrin, pour tout dire de son intimité, consomme son whisky pur.
Et cette facétie gustative a produit, au tréfonds de sa rétine, un étrange concours d’images.
Il y a au confins du Colorado, un bâtard planté dans le sable, fiché d’un béret basque agité par les vents du désert, qui dit la précipitation de la manœuvre.
C’est ici que tout a recommencé, le temps d’un vol de Lemmings
du haut des canyons.Vautrin n’existe pas ; c’est une illusion d’optique : 200 grammes de peinture pour fixer un dernier terrain vague,

sur l’encadrement de ses métastase, au-delà d’une une ultime frontière.
Ce genre de quiproquo n’a qu’un précèdent millénaire: le voyeur myope a encore frappé,

en ajoutant un épisode à la sentence tracée contre Balthazar l’orgiaste, sur les murs de Babylone, par le doigt calamiteux du destin : « compté, pesé, divisé ».
Il y a une dernière image, qui ancre cette réalité future à l’iconographie des drugstores : la photo de Superman sur un trottoir.
A ceux que hantent le sens de la vie, des Drugstores, des Superman
et des Poubelles, il faut ouvrir les couvercles : les fonds de poubelles sont jonchées de paquets de billets verts.
Changez les vôtres contre des Vautrin ; c’est le seul procédé cryogénique fiable sur le marché.
Jacques Henry

Régis Benichi à écrit …

‘’La Skepsis’’

‘’La Skepsis’’ est chose des yeux, le mot désigne une perception visuelle, l’observation, la vigilance, l’attention du regard au cours de l’examen.
On guette, on réfléchit à ce que l’on voit, on réfléchit ce qu’on voit en retardant le moment de conclure. Gardant la chose en vue, on la regarde.
Le chemin est suspendu à l’hypothèse »Jacques Derrida, Mémoires d’aveugle.

Impressions au fil du temps
Lorsque j’ai vu pour la première fois cette toile de Jean François Vautrin, c’était en 2007 à l’occasion de son exposition à l’espace Mezzara.
Mon regard avait été alors immédiatement attiré par une tache violette sur l’épaule droite du personnage central, que j’ai identifiée comme une aile, celle d’un archange, et j’ai tout de suite pensé à une variation sur le thème de l’Annonciation.

En regardant de nouveau cette toile huit ans plus tard, je suis poussé vers d’autres pistes, loin de mes impressions initiales.

Le personnage central m’apparaît aujourd’hui comme une guerrière qui avance résolument et qui rameute de son bras gauche ce que j’imagine être une foule restée hors cadre. Qui plus est ce sein qu’elle dévoile dans le feu de l’action ne renvoie-t-il pas au célèbre tableau de Delacroix,  » La Liberté guidant le peuple », magnifique hommage aux insurgés des » Trois Glorieuses » qui en 1830 ont chassé le roi Charles X et l’ont contraint à prendre le chemin de l’exil?

Cependant, cette guerrière n’arbore pas le drapeau tricolore des insurgés de 1830, mais un oriflamme médiéval.
Jean François Vautrin est lorrain de souche et comme tel nourri des heures glorieuses de sa région et donc des récits plus ou moins mythiques concernant la Pucelle de Domrémy partie en croisade pour bouter les Anglais hors du royaume.

Avec ces deux réminiscences historiques , il me semble que le peintre, qui met dans la main de son héroïne un rameau d’olivier, nous propose une allégorie d’un peuple en mouvement , se battant pour la paix et la liberté et y ajoute un bel hommage au féminisme.
Mais il y a aussi au premier plan ce personnage, assis visage dans l’ombre, loin de l’action, qui ressemble à un sage qui songe.
Et il n’est seul mais accompagné de son double et sans doute d’une foule, elle aussi hors du cadre et aussi méditative et pensive que ces deux personnages.
Que veulent-ils nous dire? Il me semble qu’ils symbolisent la foule de nos contemporains, passifs, désengagés, hors de l’histoire et indifférents au bruit et à la fureur qui les entourent et pourtant les concernent.
Un cri d’alarme en quelque sorte. En tous cas, un tableau aussi énigmatique que coloré, qui peut susciter à l’évidence d’autres perceptions visuelles et d’autres hypothèses

Régis Benichi
Mars 2015

Elisabeth Plas, Edith Schwalberg.

L’homme au chapeau dans la peinture de Vautrin

Pour qui regarde la peinture de Jean-François Vautrin, la première référence qui vient à l’esprit est celle du cinéma. Les larges bandes horizontales qui structurent le tableau, telles des pellicules de film, font défiler devant nos yeux plusieurs séquences et nous invitent à un arrêt sur image ; Il arrive parfois que la pellicule soit coupée et se laisse recouvrir par une image venue d’ailleurs. De petites taches de couleur, de forme rectangulaire, comme des bouts de ruban adhésif, collent cette image à l’autre, rompant la continuité du regard.

Tout à la fois mouvement et saisie de l’instant, c’est ainsi que nous apparaît la peinture de Vautrin.

L’histoire de la peinture est la seconde référence du peintre, une référence traitée de façon bien particulière. Attardons-nous un moment sur la toile intitulée « L’oiseau » ;

Elle cite deux tableaux du Titien, « Danaé » et « Le déjeuner sur l’herbe », nous allons voir comment Vautrin détourne le chef-d’œuvre.
Du « Déjeuner sur l’herbe », le peintre ne représente que la partie inférieure du corps des convives; apparaît alors un personnage assis sur un cadre dans un coin du tableau, le visage dissimulé par un chapeau. Son regard est à hauteur des fesses de la femme.

L’homme au chapeau incarne le regard du voyeur qui se veut invisible et nous rend complices de la vision de la nudité.
Le regard voyeuriste semble bien être l’enjeu de la peinture de Vautrin.

Dans la bande médiane du même tableau, le regard des Saint-Cyriens se porte vers le lointain, mais l’oiseau ( sorti, comme l’homme au chapeau, d’un film d’Hitchcok ? ) pique sur leurs visages. Suivons sa trajectoire : l’oeil est menacé.
L’œil lui même est peut-être le sujet principal du tableau quand, dans « L’inspiration ne donne rien sans matière », il se présente de façon troublante à l’envers, dans le portrait d’un personnage inversé. Non loin de l’œil, de longues épingles transpercent la coiffure d’une geisha. De cette scène, l’homme au chapeau, ne semble rien voir. De même, dans la grande toile intitulée « Le sage », l’homme peint dans les gris bleutés de l’ombre, tourne le dos à la Victoire qui s’avance derrière lui. D’une main, elle tient une couronne de laurier, de l’autre, elle abaisse un étendard rouge qui, telle une faux, tranche les couleurs.
L’homme au chapeau, alors, sort du tableau. Cet homme au chapeau, Vautrin l’a découpé et ne cesse de le peindre en petit format, dans des couleurs toujours renouvelées.

Elisabeth Plas, Edith Schwalberg.

Elsi Mopin

Pour le peintre Jean-François Vautrin.

“Je le vois, ce personnage. Il est là, en face de moi.
Son lourd manteau est parcouru d’ombres muettes et infinies.
Je le vois, mais lui ne me voit pas. Il est comme endormi,
assoupi sous l’épaisse couverture de son manteau.
Ses yeux sont rivés sur le sol, masqués par son chapeau de feutre.
Il ne regarde pas, il ne regarde rien, mais il voit.
Je crois qu’il scrute l’infini, quelques fragments d’images
qui hantent son esprit de gouache : images parfois agressives
comme des publicités maladives, parfois paisibles,
dans la lumière tamisée de ses rêves inachevés. Les couleurs se mélangent.
Son crâne oscille. Je crois qu’il a la tête lourde, pleine de souvenir.

Puis, pour la première fois, j’ouvre les yeux.
Il est là, en face de moi.
Cet homme, (cette femme ?), ce personnage est là.
Je ne puis le cerner, percer son visage incolore,inodore et indolore,
sous ce lourd chapeau de feutre.

Soudain je comprends.
Si je n’arrive pas à le voir en entier, si je ne fais qu’apercevoir les ombres mouvantes du costume opaque que forment ses vêtements, c’est parce qu’il est la seule chose que je ne serai jamais sûre de voir en entier, le seul tableau que je ne pourrai jamais totalement embrasser des yeux : moi-même.
Je voudrais lui prendre la main mais il n’en a pas de mains.

Elles sont masquées sous ce lourd manteau de pluie.
Alors je regarde les miennes, tremblantes de vie, et je saupoudre ce mystère d’une pluie de couleurs : je saisis le pinceau et je peins. Je le peins ce personnage.
Je le peins, le peins et le repeins, à l’infini.

Peut-être qu’un jour, au croisement de deux ombres, je découvrirai son secret…”

Elsi Mopin

Camille

Balade à Paris.

Egarement au 44 Boulevard Exelmans.
Une fois la porte d’entrée poussée, au rez-de-chaussée, à droite, une autre porte.
Celle-ci ouverte, une seconde se présente.
Tendre la main vers la poignée, entendre alors une profonde voix, accompagnée d’un rire à gorge déployée. C’est l’antre d’un personnage atypique.
Lorsque cette dernière porte s’efface, une odeur entêtante, puissante : celle de l’essence de térébenthine, vous prend à la gorge.
Des toiles sont disposées de tous côtés, enchevêtrement de formes et de couleurs.

Bienvenue dans l’atelier du peintre Jean-François Vautrin.

Dans des cartons à dessins, soigneusement rangés ,classés, des travaux datant de l’époque où il étudiait aux Beaux-Arts de Nancy, paysages d’aquarelles aux couleurs improbables.

Pourtant à bien observer son actuel travail, l’eau de l’aquarelle s’est évaporée au profit de l’huile, preuve que le temps à passer.
L’huile est moins légère que l’aquarelle, mais semble une matière tout aussi franche que l’artiste. Il faudra parler des l’huiles… ainsi que des grandes séries réalisées :
les hommes à chapeau et les belles américaines.
Comme tout véritable artiste il sait diversifier ses techniques : huile, aquarelle, pastel, sanguine, fusain mais aussi croquis au crayon et dessins au feutre noir.
Diversité donc, mais toujours la même rigueur, car Il ne faut pas s’y tromper, un dessin au feutre, que l’on pourrait croire sorti d’un seul trait de sa main, a, en réalité, nécessité un laborieux travail de fond.

Cette application transparait dans l’agencement des éléments qui compose la toile.
Sur un même tableau, l’artiste mêle donc, différents éléments, telles des citations cinématographiques et autres iconographies, une multiplicité d’angles, dégageant paradoxalement un sentiment d’ordre : les choses sont à leur juste place, elles ne pourraient être ailleurs.
Parmi les divers éléments confondus sur une même toile, il y a souvent un mélange de provenances, telle l’insertion d’une case de BD, pour donner un exemple simple.
Ce ne sont que des petits détails mais ils révèlent la grande complexité de la composition de l’œuvre.
Ces « citations « sont pareils à des fenêtres sur un autre univers.
L’artiste est méticuleux, exigeant. Il a le souci du détail.
IL souligne, un objet, un point de l’œuvre qui aurait paru insignifiant de prime abord, ou qui n’aurait pas attiré l’attention.
Ces détails sont importants pour le peintre qui les reprend dans des encarts fonctionnant comme des loupes, par exemple dans la toile « Polaroïd », pour détailler le dit polaroïd tombé sur la route, et en faire un gros plan, le principe de la loupe en affine et précise le visuel.

Cette rigueur de l’artiste se manifeste expressément sur ses travaux de commande.
A cette application et à ce professionnalisme s’ajoute le fait qu’il aime relever des défis.
Ses travaux professionnels se déclinent en travaux de graphisme ou de scénographie, commandes émanant de particuliers ou de sociétés.
Ils paraissent beaucoup moins personnels que le reste de son œuvre peinte.
Un étudiant en communication s’insurgerait de tels propos car il est vrai que la communication passe aussi par le visuel, et donc par l’image et le design, comme pour la création de logo.  Ainsi Vautrin a un talent d’artiste mais aussi de créatif.
Donnant la main, paradoxalement presque, à ce côté professionnel et sérieux, il y a toute une autre facette de la production de l’artiste et de sa personnalité à découvrir.
Un artiste dessinant cette fois sur le vif, avec humour, parfois sur un coin de nappe au milieu d’un déjeuner au restaurant.
Satires et caricatures, d’abord de lui-même, sans craindre l’autodérision : autoportrait en français moyen, béret sur la tête, baguette de pain sous le bras, barbes et cheveux hirsutes. Mais également caricatures des personnes de son entourage proche, entre autre professionnel.
C’est donc un artiste influencé par son environnement, observateur de ce qui l’entoure comment en témoigne les croquis réalisés lors de ses voyages à travers le monde, ou  encore le tableau issu d’un rêve qu’il avait fait ( voir toile de 1982 N° 39 « Stop ») et qui à été le facteur déclencheur de son retour à la peinture, le début d’une série hyperréaliste ». Vautrin aime travailler par série.
La série des Belles Américaines attestent de cet artiste vibrant, ressentant et passionné.
Les belles américaines sont-elles des femmes ?
Non ce sont des automobiles quoique dans plusieurs tableaux, elles sont rejointe par une figure féminine de pin-up ( voir toiles : 312,323,324,326,327,328,347 )
C’est une vision très masculine, voire machiste, avec l’association de la consommation, des belles voitures et de jolies jeunes femmes.
Sur vingt voyages répertoriés sur le site du peintre pour présenter ses croquis, huit ont eu lieu en Europe et autour du bassin méditerranéen, neuf se sont déroulés en amérique du Nord et majoritairement aux Etats-Unis.
On peut y voir la fascination du peintre pour l’Amérique, une Amérique mythique et rétro, celle qu’il a côtoyée dans son enfance à Nancy, avant que le Général De Gaulle ne fasse fermer en 1960 les bases américaines qui ceinturaient sa ville natale.
Il avait alors découvert un monde extraordinaire, où les américains roulaient, non dans de désuètes « Dauphines » ou « 4CV » mais dans des automobiles aux étranges couleurs, pistache, fraise, citron, longues comme des paquebots.
De cette époque, Vautrin a conservé une vision réactionnaire et magnifiée par le souvenir d’un temps heureux et l’insouciance de l’enfance.
L’artiste présente ces voitures sous divers angles, parfois morcelés. Elles sont clinquantes d’une brillance virginale, sans le moindre grain de sable même dans le désert le plus lointain.

La brillance exagérée est en contraste radical avec le décor sobre, tel le ciel calme et pastel.
Tout cela laisse penser que ces voitures sont exposées comme lors d’un salon de l’automobile.
Le peintre donne à voir ces sublimes voitures dans des décors américains avec une quasi irréalité.
Déformation professionnelle peut-être. Dans le décor, un élément attire l’œil : les typographies.
Ces typos peuvent être intégrées dans les publicités d’époque, qui avaient du « caractère »( toiles : 301,310,322,330 ) et qui aujourd’hui sont prisées en matière de décoration rétro.

Ces typos peuvent aussi être présentes sur des panneaux d’informations.( 332 ) La main est donc adroite pour dessiner, mais également pour écrire. C’est un outil scripteur.
Cela semble conforter l’importance de l’écriture pour lui qui, en plus d’être peintre, possède une belle plume.

Complet dans son art auquel il joint l’écriture, l’artiste est un être en équilibre et cela influe sur sa peinture : un yin et un yang se répondant avec complémentarité.
Le yang pour les belles voitures.
Le yin pour sa sensibilité, pour les femmes de ses nus, pour l’attrait de la femme, pour l’amour de la féminité originelle, de la maternité et des rondeurs, principalement dans ses portraits de femmes enceintes.
Autant de figures féminines qui sont diamétralement opposées aux pin-up américaines des publicités présentes dans les séries des belles américaines.
Il n’est pas possible de parler de sa peinture sans évoquer les célèbres hommes à chapeau.
Dans son atelier, il y en a une pléiade, ainsi le peintre n’est jamais seul : ils sont là, premiers spectateurs de ses œuvres, impassibles et silencieux.
Quel est cet individu représenté ? Libre à chacun d’imaginer l’identité de ce mystérieux homme assis, le regard caché par une sorte de borsalino.
Le peintre qui ses serait lui-même représenté ? C’est une piste, mais elle parait peu probable. En effet, en pareil cas, il se serait peint avec un béret sur la tête, baguette sous le bras et sans cravate.
A moins qu’il ne s’agisse de la représentation de la face cachée du peintre.
Quel qu’il soit, homme ou allégorie, cet inconnu attire l’artiste au point de voir une évolution dans sa peinture.
Au début de leur rencontre, l’artiste faisait de cet étrange personnage le sujet de ses tableaux en le distinguant nettement du fond sage dégradé.
Au fur et à mesure que le peintre a apprivoisé son personnage, ce dernier est devenu un élément du tableau à part entière, se confondant, dans une toile bariolée, avec le fond.
La synthèse de leur relation est passée dans une troisième phase, où l’homme à chapeau se distingue par endroit du fond auquel il reste incorporé, d’autant plus par la  présentation en 4 tableaux + 1 qui permet à l’homme au centre de la structure.
L’homme à chapeau serait-il une signature du peintre ? Peut-être pour certains.

Pour moi c’est avant tout l’histoire d’une obsession de l’artiste pour cet inconnu.
Camille